Pendant des années, des stocks de T‑shirts de concerts sont restés oubliés dans un entrepôt. Ils prenaient la poussière. Parfois, ils finissaient bradés… ou détruits. En 2025, Billie Eilish pousse Universal Music Group et sa filiale Bravado à faire autrement. Le pari : transformer ce surplus en nouvelles pièces, et montrer que l’économie circulaire peut devenir la norme dans l’industrie musicale. C’est concret, chiffré et déjà en route.
Recyclage du merch : comment le projet fonctionne, étape par étape
Bravado a expédié plus de 400 000 T‑shirts invendus depuis son entrepôt de Nashville vers Tanger, au Maroc. Sur place, le fabricant espagnol Hallotex démonte les vêtements, les réduit en fibres, puis les respinne en fil de coton. L’objectif : produire environ 280 000 nouveaux T‑shirts 100 % coton recyclé, utilisables comme « blanks » pour le merch des artistes Bravado dès l’automne en Europe. Les pièces réellement irrécupérables sont broyées pour devenir des isolants destinés au bâtiment. Le cycle dure environ six semaines.
Ce point est clé : ces T‑shirts ne sont pas réservés à une seule tournée. Ils serviront de base à plusieurs artistes du roster Bravado, avec un déploiement prioritaire en Europe afin de limiter les transports après transformation.
Pourquoi c’est important — L’impact environnemental, au‑delà des mots
Le recyclage du merch n’est pas qu’un symbole. Hallotex estime une économie d’environ 15 litres d’eau par T‑shirt par rapport à une fabrication standard neuve. À l’échelle des 280 000 pièces, cela représente environ 4,2 millions de litres économisés. C’est modeste face aux 2 700 litres souvent cités pour un T‑shirt en coton neuf (incluant culture et confection), mais c’est un gain mesuré et immédiat sur cette opération précise.
Autre enseignement : le modèle est réplicable. Bravado présente ce programme comme l’initiative d’upcycling la plus ambitieuse jamais menée dans le merch musical, avec l’ambition d’embarquer de « dozens of artists » déjà sensibilisés à ces enjeux.
Le rôle de Billie Eilish — De l’intention à l’exécution
Billie Eilish et Maggie Baird, sa mère, ont joué un rôle déclencheur. Leur pression positive et leurs échanges réguliers avec Bravado ont poussé la structure à passer du prototype à la production d’échelle. Dans le passé, Eilish a favorisé l’usage d’encres à l’eau et de colorants moins toxiques pour ses collections. Cette année, elle soutient un changement de système : traiter le « deadstock » comme une ressource, pas comme un coût.
La dynamique ne se limite pas à Eilish. Bravado cite l’implication ou l’inspiration d’autres artistes (par exemple FINNEAS ou Lorde) et indique que près de 50 boutiques d’artistes ont proposé du merch upcyclé ou plus durable pendant Earth Month. Le message : l’échelle est là, et le mouvement prend.
Tendances de fond — La seconde main s’impose côté public
Ce basculement résonne avec l’évolution des usages. En France, la seconde main entre dans les habitudes : c’est une réponse éco et éco‑nomique. Pour comprendre le contexte marché, lisez notre analyse sur la montée en puissance de la seconde main en 2025 : seconde main : chiffres et tendances clés.
Cette photographie du terrain éclaire le projet Eilish/Bravado : les fans sont prêts. Ils demandent des produits responsables. Ils arbitrent à la fois par le prix et par l’impact.
Autre signe : de plus en plus de consommateurs envisagent de consommer majoritairement d’occasion. Ce qui semblait idéaliste devient une option réaliste, notamment chez les 18‑34 ans. À lire : consommer 100 % seconde main en 2025, mythe ou nouvelle réalité ?.
Ce fond de marché crée un alignement d’intérêts : les artistes veulent réduire leur empreinte, les fans valorisent cette démarche, et les marques peuvent réinventer leur merch sans renoncer au style.
Ce que révèle l’« opération Tanger »
La logistique. Les T‑shirts partent par cargo. Pourquoi pas plus local ? Parce que l’outil industriel capable de traiter un tel volume de textile recyclé est opérationnel à Tanger, chez Hallotex. Bravado assume le compromis : mieux vaut upcycler à grande échelle que laisser dormir le stock, tout en conservant la distribution en Europe pour limiter les trajets post‑transformation.
La matière. Le procédé « The Loop » de Hallotex défibre, trie, puis refile en 100 % coton fini, même si la composition du T‑shirt initial n’était pas parfaitement homogène. Le résultat : des blanks prêts à imprimer pour les prochaines tournées.
Le planning. Bravado annonce un cycle de six semaines pour convertir le lot et produire les premiers 280 000 T‑shirts avant l’automne 2025. C’est rapide, et c’est industrialisé.
Le « plan B » zéro gâchis. Les items non recyclables sont requalifiés en isolants pour le bâtiment. Rien ne repart à la benne.
Pourquoi cette opération peut devenir un standard
1. Un précédent sectoriel. Le recyclage du merch sur stock historique répond à un angle mort de l’industrie : le sur‑stock. Le faire à l’échelle crée un effet d’offre : des blanks recyclés disponibles, stables et compatibles avec les contraintes de tournée (délais, volumes, qualité).
2. Une histoire de coûts… et d’acceptation. Les options durables coûtent encore plus cher côté production. Bravado indique absorber les surcoûts au démarrage, le temps que l’effet volume fasse baisser les prix. La pédagogie auprès des fans est indispensable ; elle fonctionne déjà sur la tournée d’Eilish, où les ventes de merch ont battu des records sur certaines dates.
3. Un pari d’image crédible. Le projet met en avant des indicateurs tangibles (volumes, eau économisée, affectation des non‑recyclables). Cela crédibilise la démarche et réduit le risque de greenwashing. Les médias spécialisés et généralistes relaient également l’information, ce qui renforce la preuve sociale.
4. Un mouvement plus large du commerce responsable. Dans le retail, des collectifs organisent la riposte au discount à outrance. Exemple : le Collectif On Passe la Seconde, qui fédère plusieurs plateformes pour remettre la seconde main au centre des arbitrages pendant les fortes périodes promotionnelles. À découvrir : collectif On Passe la Seconde : la seconde main mobilisée.
Cette dynamique montre que le marché entier pousse vers plus de circularité, pas seulement la musique.
Ce que cela change pour les fans… et pour les marques
Pour les fans, c’est simple : acheter un T‑shirt recyclé et traçable devient désirable. Le storytelling est clair : on ne sur‑produit pas, on revalorise.
Pour les marques et labels, c’est une nouvelle logique d’inventaire. On ne pense plus le merch comme un flux linéaire (produire → vendre → solder → détruire). On ferme la boucle : produire → réemployer → transformer → redistribuer.
En parallèle, les usages progressent vite côté consommateurs. Notre dossier montre pourquoi la seconde main s’impose dans la vie quotidienne : pouvoir d’achat, quête de sens, et offre plus qualitative. À lire : seconde main : la nouvelle normalité en 2025.
Et si vous hésitez encore à passer à l’échelle dans votre marque, inspirez‑vous de ceux qui ont déjà basculé vers des objectifs de 100 % seconde main à horizon court. Décryptage : consommer 100 % seconde main en 2025.
Explorez les acteurs qui font bouger la seconde main
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Marques, labels, organisateurs de tournées : parlons roadmaps circulaires, traçabilité et design to recycle pour vos prochaines collections. Les fans sont prêts. Les solutions existent. À vous de jouer.