Loi anti-fast fashion : que reste-t-il du projet après le Sénat ?
Présentée comme une avancée majeure pour encadrer la mode ultra jetable, la loi anti-fast fashion a été largement remaniée par le Sénat. Le texte, initialement ambitieux, devait sanctionner les marques à la production massive et encourager des pratiques plus durables. Mais après son passage en commission, beaucoup de ses mesures phares ont été atténuées, voire supprimées.
Alors, que reste-t-il de cette proposition ? Et que peut-on en attendre pour les acteurs de la seconde main et de la mode circulaire ? On fait le point.
Un texte ambitieux… sur le papier
Portée par la députée Anne-Cécile Violland, la proposition de loi entendait réduire l’impact environnemental de l’industrie textile, notamment en ciblant les géants de la fast fashion comme Shein et Temu.
Parmi les mesures envisagées :
- Un malus environnemental appliqué aux articles à faible durée de vie
- Une interdiction de la publicité pour les enseignes de fast fashion
- Des obligations de transparence sur la production et la traçabilité des produits
L’objectif : responsabiliser les entreprises du secteur et créer un cadre plus favorable à la sobriété textile.
Un passage au Sénat qui rebat les cartes
Mais à l’issue de son examen par le Sénat en mars 2025, la loi ressort très édulcorée :
✅ Le malus environnemental est maintenu, mais avec des montants encadrés : 5 € par article dès 2025, jusqu’à 10 € en 2030, en fonction du volume et de la fréquence de renouvellement des collections.
❌ L’interdiction de publicité est supprimée. À la place, les publicités devront inclure une information environnementale, et les influenceurs ne pourront plus promouvoir ces produits.
❌ Les obligations de transparence et les seuils d’application ont été revus à la baisse, excluant certaines plateformes pourtant très actives.
➡️ Résultat : un texte très en deçà des attentes initiales, selon les associations.
Des réactions critiques dans le secteur engagé
Les ONG environnementales (Zéro Waste France, Les Amis de la Terre, En Mode Climat…) dénoncent un “détricotage en règle”. Pour elles, les reculs opérés affaiblissent gravement l’efficacité du texte et montrent une influence des lobbies du textile sur la rédaction finale.
Côté marques responsables et acteurs de la seconde main, c’est la déception. Pour beaucoup, cette loi aurait pu corriger une concurrence déloyale subie par ceux qui produisent peu, mieux, et durablement.
« Tant qu’une robe à 4 € venue de l’autre bout du monde est mise en avant sans contrainte, la seconde main aura du mal à s’imposer à grande échelle », regrette un acteur du secteur circulaire.
Quel impact sur la seconde main ?
Le texte, tel qu’il est aujourd’hui, ne change presque rien pour les vendeurs de fast fashion. Il n’apporte donc aucun levier direct aux plateformes ou marques engagées dans l’économie circulaire.
Et pourtant, ces acteurs :
- Allongent la durée de vie des produits
- Réduisent la surconsommation
- Proposent une alternative vertueuse à l’achat neuf
En l’absence de régulation forte, ils restent désavantagés face aux modèles ultra low-cost.
Une suite encore possible à l’Assemblée
Bonne nouvelle : la navette parlementaire continue. Le texte va retourner à l’Assemblée nationale, où les députés pourront restaurer certaines ambitions, notamment sur la publicité et la progressivité du malus.
D’ici là, la mobilisation des professionnels, des associations et des consommateurs peut faire la différence. Car au-delà du texte lui-même, c’est une vision de la mode et de la consommation qui est en jeu.
Ce qu’il faut retenir
🔹 Le malus est maintenu, mais limité dans son impact réel
🔹 L’interdiction de publicité a été abandonnée
🔹 La loi ne change rien à court terme pour la fast fashion
🔹 Les marques circulaires n’en retirent (pour l’instant) aucun avantage
🔹 Le texte repart à l’Assemblée : tout n’est pas perdu
Quelles sont les prochaines étapes à suivre ?
La loi anti-fast fashion n’a pas encore dit son dernier mot. Après son passage en commission au Sénat, le texte reviendra à l’Assemblée nationale pour une nouvelle lecture le 23 mai 2025. Ce sera une étape cruciale pour réintroduire des mesures fortes sur la régulation de la surproduction textile, en particulier :
- La possibilité de rétablir l’interdiction de publicité
- Un renforcement du malus environnemental
- L’élargissement des obligations de transparence et de traçabilité
📌 Cette date constitue un rendez-vous politique et citoyen essentiel pour toutes celles et ceux qui militent pour une mode plus durable. Elle pourrait sceller l’avenir du texte… ou lui redonner son ambition initiale.
Pour aller plus loin
👉 En tant que consommatrices et consommateurs, nous avons un rôle à jouer. En soutenant la seconde main, les marques engagées et les pratiques durables, nous pouvons créer la demande que la législation peine à imposer.
Et si cette loi ne va pas assez loin, elle a au moins le mérite de poser le débat. À nous d’en faire un enjeu central.