Le 12 mai 2025, une tribune signée par Dorian Lovera, cofondateur de La Bourse aux livres, paraissait dans Le Monde. Son message est clair : taxer le livre d’occasion n’est pas la solution pour mieux rémunérer les auteurs. Alors que cette proposition de réforme est à l’étude au Parlement, cette prise de position vient enrichir un débat devenu central pour l’avenir de l’édition et de l’économie circulaire.
Pourquoi vouloir taxer le livre d’occasion ?
L’idée de taxer les ventes de livres d’occasion part d’un constat réel : les auteurs touchent peu, voire rien, sur le marché de la seconde main. Ce dernier s’est fortement développé grâce aux plateformes en ligne et aux habitudes de consommation plus responsables. Aujourd’hui, revendre ou acheter un livre d’occasion est une pratique courante — mais elle échappe totalement aux mécanismes traditionnels de droits d’auteur.
Pour corriger cette “injustice”, certains parlementaires envisagent d’introduire une taxe sur les transactions liées aux livres d’occasion, avec pour objectif de financer un fonds destiné aux auteurs.
Une proposition qui inquiète les acteurs de terrain
Dans sa tribune, Dorian Lovera s’oppose à cette mesure qu’il juge inefficace et contre-productive. Il alerte sur le risque d’une taxation qui viendrait pénaliser non seulement les lecteurs, mais aussi un secteur en pleine structuration.
De nombreuses plateformes — Recyclivre, La Bourse aux livres, Label Emmaüs, Gibert, Rakuten ou encore Vinted — se sont imposées comme des acteurs clés de la revente de livres. Ces structures rendent la culture accessible à prix réduit, tout en favorisant le réemploi et en soutenant, pour certaines, des projets sociaux ou environnementaux.
Taxer la seconde main reviendrait, selon lui, à freiner un modèle qui fonctionne, sans pour autant garantir une réelle amélioration des revenus des auteurs.
D’autres pistes pour rémunérer les auteurs
Plutôt que d’ajouter une charge sur la revente, Dorian Lovera invite à penser des solutions systémiques. Il évoque notamment la possibilité de créer une licence légale sur le modèle de la copie privée, financée par les plateformes elles-mêmes. Cette redevance pourrait alors être redistribuée aux auteurs selon des critères équitables.
Il propose également de renforcer les aides publiques à la création, de revoir certains contrats d’édition pour mieux répartir la valeur, ou encore de créer des incitations fiscales en faveur de la diffusion non marchande (don, prêt, partage).
En résumé : ne pas opposer auteurs et lecteurs, mais créer un cercle vertueux où chacun trouve sa place dans la chaîne du livre.
L’impact potentiel sur l’économie circulaire du livre
La tribune de Dorian Lovera rappelle que l’économie du livre d’occasion repose sur des marges faibles et une logistique complexe. Toute taxe supplémentaire pourrait entraîner une hausse des prix, une baisse de l’offre, voire l’abandon de certaines activités non rentables. Cela affecterait directement les lecteurs aux revenus modestes, mais aussi les structures qui utilisent le livre comme levier d’inclusion ou d’impact.
Des acteurs comme Label Emmaüs, par exemple, intègrent des personnes éloignées de l’emploi grâce à la vente de livres d’occasion. Fragiliser ces modèles reviendrait à perdre bien plus que quelques centimes de taxe.
Un débat à poursuivre collectivement
La force de la tribune de Dorian Lovera est de réinjecter de la complexité et de la nuance dans un débat parfois réduit à une opposition simpliste entre auteurs et revente. Il propose une vision constructive, où la rémunération des créateurs ne se fait pas au détriment de l’écologie ou de l’accès à la culture.
👉 Vous vous intéressez au futur du livre, à l’économie circulaire ou à la justice culturelle ? Explorez le travail de Recyclivre, La Bourse aux livres ou Label Emmaüs, et participez à une réflexion collective sur un modèle du livre plus juste, durable et solidaire.